N°59 (BILINGUE), février 2024 : Envers et contre tout
Introduction par Irène Sokologorsky : Un souffle nouveau
Joël BASTENAIRE. - L'énigme Tsoï
Oleg BAJANOV. - La confession / traduction de Catherine Brémeau
Alexandre STRELNIKOV. - Pour les bonnes gens, tout baigne / traduction de Jacqueline Paudrat
Alexandre POSSOKHOV. - Et s’il y a la guerre. Conférence…// traduction de Catherine Brémeau
Alexandre POSSOKHOV. - À la santé de tous les habitants de la terre // traduction de Catherine Brémeau
Vladimir MAKANINE. - Les livres anciens // traduction de Sabine Montagne [réimpression du n°1 de 1987]
Valéry LEBEDINSKI. - La mort de Kira Sapguir // traduction de Maria-Luisa Bonaque
Anna GOLOUBKOVA. - Poèmes / traduction de Daria Gemtchougova
Daria GEMTCHOUGOVA. - Poèmes / traduction de Catherine Brémeau.
Un souffle nouveau
En 1986, si la Pérestroïka avait avant tout permis à la communauté intellectuelle de se réapproprier des pans entiers de son héritage proscrit dans les décennies précédentes, elle avait également fait émerger des noms nouveaux sur lesquels les éditeurs français tardaient à porter le regard. Plusieurs normaliennes tout juste agrégées, désireuses de faire connaître le bouillonnement culturel qu’elles observaient dans le pays qu’elles étudiaient, se sont alors tournées vers ces derniers pour leur proposer chacune un auteur qu’elle souhaitaient traduire. Rapidement l’idée est venue de regrouper ces initiatives individuelles et de rédiger un bulletin envoyé aux grands éditeurs. Intéressés dans un premier temps, dès qu’ils ont été persuadés de l’intérêt qu’il y avait à reprendre la publication d’auteurs soviétiques, ceux-ci ont préféré trouver chacun leurs propres informateurs. Le bulletin n’avait plus de sens.
Cependant, autour de notre initiative, une petite.équipe s’était constituée qui souhaitait poursuivre cet effort d’information. Dans le même temps plusieurs lecteurs potentiels s’étaient fait connaître. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une revue.
Bientôt d’autres amoureux de la littérature russe ou en langue russe sont venus nous rejoindre. Est alors venue l’heure de fonder l’association LRS Littérature russe et soviétique dont Lettres russes allait devenir l’expression.
Notre premier numéro est paru en février 1987.
Durant les plus de trente années de notre existence, quelques changements sont intervenus.
- tout en gardant le sigle LRS, l’association a pris le nom de Littérature russe et traduction.
- bilingue pour les seuls textes poétiques jusqu’au numéro 17, à partir du numéro 18, la revue est devenue entièrement bilingue.
Bien que tous les membres de l’équipe, traducteurs, rédacteur et illustrateur, soient bénévoles, ne recevant aucune subvention, la revue n’a jamais pu bénéficier du service d’un diffuseur. Aussi, a-t-elle connu un parcours parfois difficile.
De 2005 à 2022, nous avons eu la chance de pouvoir toucher un public assez large à l’occasion des Journées de la littérature russophone qu’organisait chaque année l‘association France-Oural au Kremlin Bicêtre puis à la mairie du 5e arrondissement de Paris. La disparition de cet événement très suivi ainsi que celle du Prix Russophonie, dont l’attribution, au cours de ces mêmes Journées, rassemblait un public particulièrement important qui ne pouvait que s’intéresser à nos publications, nous place désormais dans une situation budgétaire quelque peu délicate.
Nous sommes cependant heureux et, osons le dire, fiers, d’avoir réussi, à travers nos 58 numéros, à faire connaître plus de 500 auteurs (518 exactement), poètes et prosateurs, dont bon nombre ont été publiés par la suite par les plus grands éditeurs. Notamment Maria Arbatova, Mikhaïl Chichkine, Anatoli Kim, Rouslan Kiréév, Anatoly Kourtchatkine, Vladimir Makanine, Viktor Pélévine, Tatiana Tolstoï, Alexei Slapovski, Mikhaïl Veller...
Nous avons également publié sept recueils bilingues d’auteurs russes et un recueil d’un auteur kirghize de langue russe
En 2023, nous avons réussi en outre pour la première fois à faire paraître, en bilingue également, en co-édition avec la maison d’édition Ginkgo, le roman de Valéry Lébédinski Révolte, rue Soljénitsyne. L’accueil du public ayant été satisfaisant, nous espérons pouvoir poursuivre cette collaboration. D’ores et déjà la publication d’un ensemble de nouvelles d’Andréï Antipine, auteur que nous avons présenté dans notre numéro 56, est en préparation.
Les événements des deux dernières années ont malheureusement quelque peu disloqué notre équipe dont plusieurs membres ont préféré répondre par le silence aux opérations qu’ils condamnent. La majorité d’entre nous considère au contraire qu’il serait tout à fait inopportun de baisser les bras. Plus que jamais le lecteur français a besoin de connaître et d’essayer de comprendre la Russie actuelle et les Russes.
Or, on le sait, en l’absence dans le pays d’un débat politique et social au sens où nous l’entendons, dès le XIXe siècle en tout cas, en Russie puis en URSS et de nouveau en Russie, c’est très essentiellement dans et par la littérature que les idées, les engagements, les réactions et les aspirations se sont exprimés. Constatant l’intérêt croissant qu’éveillait dans son pays la littérature, le critique Vissarion Bélinski n’a-t-il pas noté en 1847 : « Le public a raison : il voit dans les écrivains russes ses uniques guides, les seuls qui le défendent et le sauvent des ténèbres de l'autocratie, de l'orthodoxie et du nationalisme ».
Aujourd’hui, donner la parole aux écrivains russes, qu’ils soient restés en Russie ou qu’ils aient émigré, ou à des auteurs de langue russe quelle que soit leur nationalité (ce qui est le cas souvent d’auteurs ukrainiens) n’a nullement valeur d’approbation d’une politique. Il s’agit au contraire de porter à la connaissance du lecteur français les efforts faits par les intellectuels russes et russophones pour dénoncer peut-être, mais surtout, de plus en plus, pour comprendre.
Aussi ne saurait-il être question, quelle que soit la modestie de nos moyens, d’interrompre cet effort d’information et de diffusion de la littérature contemporaine de langue russe que nous poursuivons depuis près de quarante ans. Souvenons-nous d’ailleurs que notre revue, née en 1987, a fait ses premiers pas à l’ère combien peu « démocratique » de Brejnev !
La reprise de nos activités est en outre encouragée par l’éveil autour de nous d’une curiosité nouvelle pour la Russie et les Russes. Les éditeurs et les libraires en témoignent, et nous en voulons également pour preuve le grand succès remporté par les films qui ont été présentés lors de la 9e rencontre du film russe qui s’est déroulée à Paris et dans la région parisienne du 23 au 28 mars de l’année passée. Lors de la séance d’ouverture, le cinéma Balzac, qui est loin d’être la plus petite salle de Paris, était à tel point rempli que plusieurs spectateurs ont dû rester debout.
Ajoutons que nous reprenons notre publication avec d’autant plus de détermination qu’une poétesse russe francophone ainsi que trois excellents spécialistes de la culture et de la littérature russes nous ont fait l’honneur de venir se joindre à nous équipe. En outre une écrivaine non bilingue a accepté, elle, de relire systématiquement nos traductions. Soucieux de rendre compte au mieux à la fois du message d’un texte russe et de sa forme, un traducteur, aussi scrupuleux et soigneux soit-il, n’est jamais à l’abri d’un russisme ou d’une maladresse qu’un écrivain français ne connaissant pas le russe perçoit, lui, immédiatement. Selon moi, avant sa publication, toute traduction d’un texte littéraire devrait passer par cette étape, et je suis heureuse de savoir que ce sera désormais le cas des textes que nous publierons.
C’est donc avec un comité de rédaction élargi que nous allons poursuivre notre effort en espérant rencontrer auprès de nos lecteurs écho et compréhension.
Ayant non seulement connu Victor Tsoï, mais ayant entretenu avec lui des rapports d’amitié, notre collaborateur Joël Bastenaire a bien voulu nous présenter d’une manière circonstanciée cette figure de tout premier plan, pratiquement oubliée en France, mais qui, plus de trente ans après sa mort, reste une référence essentielle pour les jeunes Russes certes, mais pas seulement...
Dans leur la diversité, les autres textes donnés à lire dans ce numéro, écrits dans les 4- 5 dernières années mais aussi en 2023 et 2024, témoignent du fait que, fidèle à sa vocation traditionnelle, la littérature russe se donne pour mission essentielle d’imposer à son lecteur d’ouvrir les yeux sur la réalité qui l’entoure et sur les événements qui s’y déroulent, de réfléchir...
Esope est de nouveau sollicité !
Irène Sokologorsky
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Irène Sokologorsky