N°46 - Le prix du Livre russe
Introduction, par Irène Sokologorsky
Vladimir LORTCHENKOV. - Le Tonneau / trad. de Nathalie Amargier
Tamerlan TADTAEV. - Une princesse / trad. de Maria-Luisa Bonaque, Jacqueline Paudrat et Catherine Brémeau
Goultchekhra POULATOVA. - Les aventures du comte Layole / trad. de Fiona Demol, Eva Di Lauro, Christelle Dutoit, Nastassia Kisialeva, Anthony Messina et Annlise Simon
Maryam PETROSSIAN. - La maison où… / trad. de Tatiana Evdokimova-Graille et Irène Sokologorsky
Marina PALEÏ. - La chorale / trad. de Marianne Gourg-Antuszewicz
Natalia GORBANEVSKAIA. - Poèmes /trad. de Christine Zeytounian-Beloüs
Bakhyt KENJEEV. - Poèmes / trad. de Christine Zeytounian-Beloüs
Maria TIMATKOVA. - Poèmes / trad. de Catherine Brémeau
Le prix du Livre russe. Rousskaïa Premia.
Au moment de l’effondrement de l’URSS, c’est avec détermination que la communauté intellectuelle russe a proprement expulsé de sa littérature les écrivains « nationaux » et plus particulièrement, bien sûr, ceux qui, à l’époque soviétique, avaient occupé le devant de la scène. Certes, des auteurs « remarquables » [замечательные писатели] comme Guennadi Aïgui, Tchinguiz Aïtmatov, Vassil Bykov « ont beaucoup apporté à la littérature et à la culture russes », note P. Nicolaïev, dans son introduction au dictionnaire biographique Les écrivains russes du XXe siècle [Русские писатели XX века] paru en 2000 aux éditions de la Grande Encyclopédie Scientifique [изд Рандеву-AM]. Cependant, poursuit-il, « dans le monde littéraire actuel, ils apparaissent avant tout comme des représentants de leur littérature nationale », aussi ne trouvent-ils pas place dans cet ouvrage qui se veut de référence.
Une quinzaine d’années plus tard, les humeurs s’apaisant, une nouvelle attitude à l’égard des auteurs non Russes, mais de culture russe, qui écrivent ou continuent d’écrire dans cette langue se fait jour. Elle est symbolisée notamment par le prix russe, Rousskaïa Premia, créé par le fonds de développement de l’Institut des Recherches Eurasiennes avec le soutien du Centre présidentiel Eltsine et attribué chaque année depuis 2005. Destiné dans un premier temps aux auteurs de l’ex-espace soviétique, il concerne désormais très largement les auteurs quel que soit leur lieu de résidence, ce qui inclut les auteurs russes résidant à l’étranger.
Comme le déclare Tatiana Voskovskaïa qui en est l’animatrice, le prix du livre russe « n’est pas simplement un prix littéraire ». Il a pour vocation « d’aider à sauvegarder et à faire vivre la langue russe » et de permettre aux auteurs écrivant en russe à l’étranger « de dépasser le traumatisme que leur donne le sentiment de leur inutilité ». Le jury et ses animateurs souhaitent d’ailleurs voir le prix « devenir pour les écrivains de langue russe ce qu’est le prix Booker pour les auteurs anglophones ».
Les deux premières années le jury du prix – et c’est un symbole important – a été présidé par Tchinguiz Aïtmatov. Aujourd’hui, composé de 7 membres, poètes, prosateurs et critiques, il a à sa tête Sergueï Tchouprinine, le rédacteur en chef de Znamia, l’une des deux revues les plus prestigieuses de la capitale.
Bien que naturellement plus modeste, comme c’est le cas pour le prix Début (cf. LR n°43) le nombre des œuvres à examiner est d’année en année croissant. En 2009 il s’est agi de 432 textes de prose et de poésie parvenus de 34 pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique ; en 2011, de 642 textes reçus de 42 pays. En 6 ans, 40 prosateurs et poètes de 16 pays ont été distingués.
S. Tchouprinine se félicite à bon droit de constater que la plupart des œuvres présentées sont marquées par les contacts qu’ont eus les auteurs avec d’autres cultures, ce qui fait naître selon lui l’espoir de voir « l’inertie de l’enfermement national et de l’autisme esthétique hérité de l’époque soviétique reculer peu à peu devant la volonté affirmée d’aller vers une ouverture au monde ».
Nous présentons dans ce numéro cinq prosateurs et trois poètes ayant été récompensés par le prix ou ayant figuré dans sa short list.
Irène Sokologorsky